Par deux arrêts rendus le 10 septembre 2025, la chambre sociale de la Cour de cassation procède à deux revirements jurisprudentiels majeurs en matière de congés payés et de calcul des heures supplémentaires. Ces décisions s’inscrivent dans une logique d’alignement avec le droit de l’Union européenne, et répondent notamment à une procédure d’infraction engagée par la Commission européenne contre la France.
D’une part, la Cour reconnaît désormais le droit au report des congés payés en cas d’arrêt maladie survenant pendant les congés.
D’autre part, elle décide que les jours de congés payés doivent être pris en compte pour le calcul des heures supplémentaires, même s’ils ne relèvent pas du temps de travail effectif.
Contexte :
La directive 2003/88/CE sur le temps de travail impose aux États membres de garantir un repos effectif au titre du congé annuel, et prévoit un congé minimal de 4 semaines. La CJUE, dans une jurisprudence constante, juge que lorsqu’un salarié tombe malade pendant ses congés, il doit pouvoir reporter les jours non réellement pris (CJUE, 21 juin 2012, aff. C-78/11).
Jusqu’ici, le droit français ne permettait pas un tel report, sauf dispositions conventionnelles plus favorables.
Le 18 juin 2025, la Commission européenne a adressé une lettre de mise en demeure à la France pour non-conformité à ladite directive. Elle estimait que la législation nationale ne garantissait pas la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs en matière de repos.
C’est dans ce contexte que la Cour de Cassation modifie sa jurisprudence sur deux points clés.
1. Report des congés payés en cas d’arrêt maladie pendant les congés
Auparavant, un salarié en arrêt maladie pendant ses congés ne pouvait pas demander à les récupérer, sauf disposition conventionnelle contraire. Cette position, validée en 1996 (Cass. soc. 4 déc. 1996, n° 93-44907), reposait sur l’idée que le congé est la cause initiale de la suspension du contrat de travail.
Désormais, la Cour opère un revirement : le salarié placé en arrêt maladie pendant ses congés bénéficie d’un droit au report, dans les limites définies par le droit européen.
L’un des arrêts du 10 septembre 2025 illustre cette évolution. Il concernait un litige autour du remboursement d’un trop-perçu d’indemnité de congés payés.
« Un employeur a obtenu de la justice que l’une de ses salariées lui restitue un trop perçu d’indemnité de congé payé. Toutefois, pour calculer la somme d’argent à reverser, la cour d’appel n’a pas tenu compte des jours de congé payé pendant lesquels le salarié était aussi en arrêt de travail pour maladie », précise la Cour de cassation.
« Conformément au droit de l’Union européenne, la cour d’appel a considéré que le fait d’être placé en arrêt maladie lors d’un congé payé donnait au salarié le droit de voir son congé reporté. »
La Cour de Cassation rejette le pourvoi de l’employeur et confirme que le salarié a droit au report des congés non effectivement pris.
2. Heures supplémentaires : les congés payés intégrés dans le calcul du seuil hebdomadaire
Le second arrêt rendu le 10 septembre concerne un point technique mais essentiel : le déclenchement des heures supplémentaires.
Jusqu’ici, seuls les temps de travail effectif étaient pris en compte pour franchir le seuil des 35 heures hebdomadaires (ou autres seuils conventionnels), ce qui excluait les congés payés.
Désormais, la Cour de Cassation aligne sa position sur celle de la CJUE : les congés payés doivent être assimilés à du temps de travail pour le calcul du dépassement du seuil.
Ce changement impose nécessairement aux employeurs de revoir leur méthode de calcul des heures supplémentaires, y compris dans les outils de gestion du temps et de la paie.
Les communiqués de presse de la Cour de cassation ainsi que les deux arrêts rendus le 10 septembre 2025 sont disponibles ci-dessous.